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Une entrée dans une culture commune

Quand ils arrivent à l’école, le matin, les enfants sont tout imprégnés des odeurs, des sonorités, des goûts de leur maison, de leur culture. Pour certains, c’est une entrée dans un monde totalement étrange car trop étranger à leurs habitudes. L’école maternelle doit être là pour vitaliser ce passage. Mais l’entrée à l’école élémentaire est une vraie entrée dans la société : vont-ils être acceptés dans le monde des grands ? La société représentée par l’école va-t-elle le reconnaître comme l’un ou l’une des leurs ? Quel risque y a-t-il à se faire lire par les autres ? Le pas à franchir pour entrer dans le monde de l’écrit, dans le monde extérieur à la famille n’a pas la même dimension pour tout le monde ! De plus, des enfants à cet âge disent encore : « J’aurais préféré rester chez maman ! »

D’où la nécessité de l’entretien du matin qui permet à la vie intérieure de l’enfant de faire partie de la classe. Ainsi, les enfants partagent l’univers d’autres enfants : ils sont intéressés, émus, choqués … par les récits vécus ou inventés par leurs camarades. Ils sont déplacés. Ces histoires diffèrent de celles de leur famille. Mais la proximité de leur camarade, créée par la solidarité installée dès les premières heures de classe, les aide à pouvoir se décentrer. Le pas à franchir pour rencontrer le monde n’est pas trop grand.

Si leur travail sur les récits ne reste qu’à l’oral, et que le travail de l’écrit se fait sur d’autres textes, les enfants en ressentiront une moins-value : ce qu’ils apportent n’a donc pas assez de valeur !

 C’est pourquoi, en méthode naturelle, c’est le récit qui marque le plus les enfants qui est écrit collectivement sur les indications de l’auteur du récit avec l’aide de l’adulte. L’enfant devient alors l’observateur de sa propre histoire, il peut prendre du recul sur sa vie. Il reçoit toute l’attention de la classe, ce qui évite son dispersement. Chaque enfant sait alors qu’il va pouvoir être auteur d’un texte, que son texte est attendu, que ce qu’il vit, ce qu’il fait, ce qu’il pense, ses émotions font partie de la classe. Il saura aussi au fur et à mesure de la mise au point des textes qu’il pourra bénéficier de la puissance, du foisonnement, ou des délires de la classe quand il peinera à trouver les mots. L’extraordinaire jubilation que chaque enfant ressent quand il tient les autres au bout de ses lèvres, quand il les fait vibrer par ses inventions, va lui donner le courage d’affronter les difficultés sans cesse renouvelées de l’apprentissage.

Plus l’ensemble des enfants est captivé par le récit, plus ceux-ci, y compris les plus absorbés par leurs pensées internes, peuvent se souvenir de l’histoire. Ils sont imprégnés du sens de l’histoire. Du sens et du poids émotionnel de chaque mot. En gardant en tête ce que veulent dire ces mots là, ils peuvent concentrer leurs efforts sur les correspondances entre ce qu’ils voient et ce qu’ils entendent. Le sens lié aux émotions précède l’apprentissage du code. Ils n’ont qu’une seule tâche à faire à la fois, ce qui leur évite de devoir comprendre dans un même temps le sens d’un texte et le système d’encodage/décodage.

Les autres enfants pourront prendre conscience que leur famille est différente, mais aussi des points communs. Ils pourront faire des liens avec la vie de ceux qu’ils côtoient. Les représentations de la vie travaillées par les enfants, à partir des faits et des émotions qu’ils contiennent, mémorisent, donnent une autre réalité et de l’importance, créent une référence, créent une culture de la classe. C’est souvent bien plus tard que chacun prendra conscience que quand on écrit, on ne sait pas tout ce qu’on écrit.

La MNLE propose ainsi un chemin qui va de la maison au monde, un filtre que l’enfant peut interposer pour être l’auteur de sa vie. Elle peut construire des identités individuelles et collectives, une culture commune. Les élèves étant sécurisés par cette appartenance, leurs questions pourront alors s’élargir au monde.

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