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Elise et Célestin Freinet, l' ICEM

Les Freinet, l’ICEM

Intervention à l'occasion du stage syndical organisé par la CGT le 16 janvier 18 à partir de textes de Guy Goupil dans le bulletin des Amis de Freinet et de Catherine Chabrun sur le site Coop'ICEM.

I Historique

Les idées développées par les socialistes et les syndicalistes de la fin du 19ème et du début du 20ème  seront des sources essentielles qui vont alimenter les idées pédagogiques de Freinet.
En 1920, la république a 45 ans, l’école publique laïque gratuite et obligatoire a peine plus de 20 ans (peut être même moins en ce qui concerne les écoles de filles).

Freinet est né à Gars en 1896. Il est participe à la première guerre mondiale où il est assez grièvement blessé.  Au sortir de la guerre, il est perçu comme un homme diminué physiquement et psychologiquement mais il est volontaire, déterminé et clairement engagé politiquement : dès 1920, il a déjà fait son choix syndical et politique qui sera le terreau où il puisera les idées directrices de sa pédagogie et son engagement à servir les enfants du peuple, des prolétaires disait-on à l’époque...
Mettre en place une éducation à la paix sera une idée permanente transversale dans sa recherche.
Il s’engage dans un syndicat révolutionnaire et écrira régulièrement dans son bulletin : « l’école émancipée ». Il y ajoute une dimension pédagogique : « Sans la révolution à l’école, la révolution politique économique ne sera qu’éphémère. » Dans son premier article, intitulé « Capitalisme et culture » il revendique « les mêmes possibilités de développement pour tous les hommes habiles. ...Il faut d’abord chasser l’ancien capitalisme de culture. »
Il sait où il veut aller mais il ne sait pas encore comment. L’observation des enfants l’amènera à réfléchir à une méthode naturelle d’apprentissage et au tâtonnement expérimental.
Lecture d’un article p70

Freinet supprime l’estrade, introduit l’imprimerie à l’école, puis la correspondance (avec René Daniel et sa classe de St Philibert en Trégunc dans le Finistère).
En 1926, il épouse Élise Lagier-Bruno, institutrice aux idées révolutionnaires et artiste graveur.
Elle partage le destin de Freinet, auprès de qui elle joue un rôle extrêmement important : elle le soutient, l'encourage, l'aide, et souvent le remplace dans ses multiples tâches. Mais surtout, Élise Freinet apporta à la pensée de Freinet une dimension originale dans le domaine artistique.

Les meilleurs textes libres sont publié dans un recueil mensuel « La gerbe ». En août 27 a lieu le premier congrès déjà international de l’imprimerie à l’école. Freinet s’intéresse et utilise tous les moyens d’expression modernes : le cinéma, la radio.
Il fonde la CEL en 1928, qui publie les premières BT, des « fichiers scolaires coopératifs »et la revue pédagogique « l’éducateur prolétarien »

Freinet enseigne alors à l’école de St Paul de Vence où de violentes attaques de l’extrême droite le contraignent à se mettre en congé de l’enseignement. Le film « L’école buissonnière »de JP Le Chanois en retracera les péripéties en 1949.
En 1935, Élise et Célestin Freinet ouvrent à Vence une école Freinet « prolétarienne » qui accueillera notamment les enfants victimes de la guerre civile espagnole.

Pendant la guerre, Freinet est arrêté, interné dans plusieurs camps puis assigné à résidence. Il écrit alors plusieurs ouvrages pédagogiques. A la libération, l’école de Vence ré-ouvre et la CEL reprend ses activités. La revue  « L’éducateur «  reparaît. D’autres voient le jour, notamment « Art enfantin » fondé par Élise. Freinet fonde l’ICEM qui depuis cette date pratique et recherche une pédagogie émancipatrice et milite pour les droits des enfants.

En 1957 est créée la Fédération Internationale des Mouvements d’école Moderne qui regroupe aujourd’hui une soixantaine de pays (Europe, Afrique, Amérique latine mais aussi dans une moindre mesure Asie et Amérique du nord).

Célestin Freinet décède en 1966. Les enseignants Freinet votent en 1968 la Charte de l’école moderne et poursuivent l’œuvre de Freinet : les pratiques évoluent mais les valeurs philosophiques, politiques et sociales perdurent jusqu’à aujourd’hui.

II L’ICEM aujourd’hui

L’ICEM est désormais une fédération de groupes départementaux. Ses groupes de travail publient le Nouvel éducateur avec son cahier Créations, les revues BTJ, J mag, et Jcoop.
Ils éditent le fruit de leurs recherches dans la collection « Pratiques et recherches » et créent de nombreux outils pour la classe publiés aux éditions PEMF.
L’ICEM organise des congrès, des stages de formation, des journées d’étude et autres rencontres.
Enfin l’ ICEM prend position :
- Manifeste signé lors de la RIDEF et adressé aux autorités européennes sur les migrants en Méditerranée
- texte sur la liberté pédagogique régié lors de notre dernière AG et le communiqué unitaire contre « Agir pour l 'école »
- la tribune sur la lecture « Nous ne voulons pas d'une école archaïque », signée par de nombreux syndicats et mouvements pédagogiques.

Fonctionnement :
L’ICEM fédère des groupes locaux, le plus souvent à l’échelle départementale. Ces groupes sont autonomes dans leurs actions. Ils organisent des temps de formation, interne ou ouverte où les échanges de pratiques occupent une place importante. Ils mettent en place des recherches. Ils prennent position localement et organisent et/ou participent à des actions diverses : projections de films, organisations de débats, journées d’éditeurs, stage syndicaux ou institutionnels, etc. Ils échangent sur les problématiques nationales et prennent position.
Dans le Val d’Oise et les Yvelines, nous terminons l’écriture d’une recherche sur les savoirs nés de l’action, nous échangeons sur les pratiques spécifiques à la maternelle ou à l’élémentaire, nous proposons à Carrières sur seine un stage de formation pendant les congés de février, etc.

L’ICEM s’est également dotée de groupes de travail appelés « secteurs » qui peuvent être disciplinaires (maths, créations sonores et musicales, arts et créations, Français, …) mais aussi de niveaux (mater, élémentaire, second degré) mais encore transversaux (droits de l’enfant, laboratoire coopératif de recherche, International...). Les « chantiers » sont des groupes de travail chargés d’une publication ou d’une édition (outils, Jmag, Jcoop, BTJ, Le Nouvel éducateur, …)

L’ICEM organise tous les deux ans un Congrès, des journées d’étude et une fédération de stages. Il participe aux RIDEF et aux manifestations co-organisés par nos partenaires (BIEN, colloque DEI, journées ATD, …)

Le site de l’ ICEM regroupe toutes les infos sur ces rencontres mais aussi de nombreux articles pédagogiques, notamment l’espace de la revue Créations en ligne. Il y a aussi un espace dédié aux publication des classes.
https://www.icem-pedagogie-freinet.org/

III Piliers de la PF :
La classe Freinet est un ensemble complexe répondant à des principes pédagogiques soutenus par des conceptions et des valeurs. Sa mise en place se fait au travers d’« outils » au sens large du mot qui peuvent varier d’une classe à une autre.
Il n’y a pas de modèle unique de classe de PF. Il y a DES classes de PF, ce que Freinet lui même encourageait.

1. Des conceptions de la personne humaine et de la société
Invariant 1 : L'enfant est de la même nature que l'adulte.
La conception de l'enfant, pris dans sa globalité en fait un enfant éducable, capable d'apprendre des autres et avec les autres.
Les adultes sont libres, responsables et autonomes, capables de s'autodéterminer mais aussi capables de coopérer avec les autres, tout à la fois égaux et différents.
La société, harmonieuse et respectueuse de la dignité et des droits de tous et de chacun de ses membres, doit être construite par tous et pour tous.
 
2. Des valeurs
Elles sont philosophiques, politiques, sociétales et sociologiques, ce sont celles de la République « liberté, égalité, fraternité » avec la laïcité, la solidarité, le respect, la justice, la paix, la compréhension, la dignité… des "valeurs humanistes" car elles définissent le type d'humanité que nous voulons réaliser. La PF vise un changement de société et non seulement un changement de l’école.
 
3. Des finalités pour l’éducation
- conduire l'enfant vers l'adulte, citoyen ou citoyenne capables de prendre sa place dans la société et d’agir à son tour sur elle.
- établir d’autres modes de relation entre les personnes, entre les connaissances et les cultures.
- former des individus désireux d’appréhender le monde dans sa complexité et conscients d’appartenir à l’Humanité.
 
4. Des outils pédagogiques,
- Le tâtonnement expérimental
Dans son environnement naturel, l'enfant est, par nature, expérimentateur. Il procède spontanément par tâtonnement qui évolue par essais-erreurs vers des formes plus élaborées et que Célestin Freinet désignait globalement par le « tâtonnement expérimental » et qui est à la base de la Méthode naturelle.
- La Méthode naturelle
Un des fondements de la pédagogie Freinet est qu’un certain nombre de connaissances « scolaires » peuvent être acquises suivant le même processus « naturel » que celui qui permet à l’enfant d’apprendre à se tenir debout, à marcher, à parler, etc.
Avec la Méthode naturelle, les enfants sont des créateurs de connaissances, ils n’attendent pas les leçons de l’adulte pour produire des savoirs. Il est aujourd’hui devenu évident que les enfants « s’apprennent » indépendamment de l’école et ceci dans de nombreuses disciplines : mathématiques, histoire, géographie, sciences, musique…
- Le travail individualisé
L’individualisation des apprentissages prend appui sur la globalité de la personne, sur la vie du groupe et sur les activités de recherche, de communication, etc. Elle permet le respect du rythme d’apprentissage de chaque enfant. Individualisation et socialisation sont en étroite interaction.
- L’organisation coopérative de la classe permet d’articuler, de mettre en place les activités collectives et individuelles d’apprentissage et de gérer la vie de la classe dans son quotidien mais aussi dans ses projets. Elle est également garante des valeurs, des conceptions et des finalités de la pédagogie Freinet.
- L’expression et la communication
En combinant expression et communication, Freinet avait sans doute fixé la trame de la vie scolaire et de la vie tout court.
Les activités d'expression de l'enfant trouvent leur place dans toute la vie de la classe et motivent les apprentissages :
- au cours des entretiens du matin où l'enfant fait partager au groupe ses expériences, questionnements et découvertes hors de l'école ;
- à l'occasion de l'écriture de textes libres ;
- lors d'activités d'expression artistique ou corporelle (arts plastiques, théâtre, danse, musique, cinéma, etc.) ;
- dans le cadre de l'organisation coopérative de la classe.
Les activités de communication (correspondances scolaire, journal scolaire, blog, ...) permettent à l'enfant :
- de redonner au langage oral et écrit sa fonction première ;
- de prendre en compte l'autre en nouant des liens valorisant.
Les praticiens Freinet ont cette finalité de créer (ou de transformer) le milieu éducatif où l’enfant peut se vivre comme auteur de ses travaux, de ses recherches, de ses processus d’apprentissages… La créativité est essentielle, elle permet à l’enfant-auteur de découvrir (les mathématiques, la culture, le monde, les lois…) et de produire (des textes, des œuvres artistiques, des techniques, des règles…).

Texte rédigé par Agnès Joyeux à l'occasion du stage syndical organisé par la CGT le 16 janvier 18 à partir de textes de Guy Goupil dans le bulletin des Amis de Freinet et de Catherine Chabrun sur le site Coop'ICEM, mis à jour le 4 décembre 2018